Sous le joug (1396-1878)
Pendant près de cinq siècles, les territoires bulgares font partie de l’empire ottoman. L’occupation turque est la période la plus sombre de l’histoire bulgare. L’asservissement politique y fut aggravé par l’oppression religieuse : le patriarcat bulgare fut supprimé et l’ancienne Église bulgare placée sous la dépendance du patriarcat grec. Les monastères, foyers de la culture, furent saccagés. Écartée des régions stratégiques et des plaines fertiles, la population bulgare se retira dans les zones montagneuses. Une partie se convertit à l’Islam : ce furent les Pomaks, dont les droits étaient en principe égaux à ceux de la population ottomane. Mais les paysans bulgares étaient pour la plupart écrasés par les impôts, les taxes et les redevances. L’impôt du sang prévoyait même la réquisition de garçons bulgares qui, instruits par les Turcs et convertis à la religion musulmane, étaient enrôlés dans le corps des janissaires. Cependant, les Bulgares parviennent à sauvegarder leur identité nationale, grâce à leur foi orthodoxe, à l’alphabet et à leurs coutumes et traditions. Les diverses formes de résistance armée (les haïdouks) sont l’expression de l’esprit insoumis des Bulgares et de leur aspiration à la liberté.
C’est au milieu du XVIIIème siècle que commence la période connue sous le nom de Renaissance nationale. Dès 1735 sont créées, en dehors même des monastères, des écoles où l’enseignement est donné en langue bulgare. Paisiï, moine du mont Athos, écrit son « Histoire slavo-bulgare » (1762). Les foyers de lecture, qui apparaissent dans toutes les grandes villes, contribuent puissamment au développement de la conscience nationale et à la diffusion d’une culture qui désormais s’affirme. La lutte contre le pouvoir du patriarcat de Constantinople est couronnée par l’instauration en 1870 d’une église bulgare indépendante : l’Exarchat bulgare qui s’organise dans les régions peuplées des Bulgares : la Macédoine, la Thrace, la Mésie.
Le mouvement pour une éducation et une culture laïques nationales marque, pendant la deuxième moitié du XIXème siècle des résultats comparables à ceux de l’Europe centrale et occidentale. Alphonse de Lamartine, qui effectue un voyage en Orient (1832-1833) et s’arrête notamment en Bulgarie, décrit les Bulgares comme suit : « Ces hommes sont simples, doux, laborieux et pleins de respect pour leurs prêtres qui sont de simples paysans comme eux. Les Bulgares forment une population de plusieurs millions d’hommes qui s’accroît sans cesse. Les femmes sont jolies, vives, gracieuses. Les mœurs m’ont parues pures quoique les femmes cessent d’être voilées comme en Turquie. Les Bulgares sont complètement mûrs pour l’indépendance ».