L’insurrection d’avril 1876 et la guerre de libération (1877-1878)
Parallèlement on assiste à une extension de la lutte pour la liberté politique. Grâce à l’inlassable activité des militants révolutionnaires comme Géorgi Rakovski, Vassil Levski ou Luben Karavélov, des comités clandestins se sont constitués à travers toute la Bulgarie. Le 20 avril 1876 éclate à Koprivchtitza le coup de feu qui donne le signal de l’insurrection générale. Mais malgré un héroïsme sans précédent, elle est atrocement étouffée dans le sang. Une importante armée ottomane, secondée par les bachibouzouks (des brigands-mercenaires prêts à tous les pillages et à tous les massacres), se dirige vers les lieux de la révolte pour la mater. Des villes sont mises à feu et à sang. À Batak, la population toute entière est enfermée dans l’église et sauvagement exterminée à coups de hache. Hristo Botev, chantre inspiré de la liberté qui avait pris à Bucarest la direction du mouvement de libération, franchit le Danube à la tête d’une compagnie de deux cents hommes pour prendre part à la lutte. Sa compagnie est décimée peu après son débarquement dans la région de Vratza et lui-même meurt, atteint d’une balle au front, le 20 mai 1876.
Les exactions des Ottomans suscitent une vive émotion dans l’Europe entière. Garibaldi, Dostoïevski, Tourgueniev, Oscar Wilde ou encore Gladstone prennent fait et cause pour le peuple bulgare. Victor Hugo écrit : « On assassine un peuple. Le moment est venu d’élever la voix. C’est à l’heure qu’il est, tout près de nous, sous nos yeux, on massacre, on pille, on extermine, on égorge. Quand finira le martyre de cette héroïque petite nation ? »
L’échec de la révolution d’avril avait montré que la Bulgarie ne pouvait espérer se libérer par ses propres moyens. Il lui fallait une aide étrangère. Devant le désaccord des grandes puissances sur l’opportunité d’une intervention, le tsar de Russie, dont le prestige auprès des Slaves des Balkans était en jeu, se décida à agir seul. La Russie déclara la guerre à la Turquie (avril 1877), et ses troupes, avec l’accord des Roumains, pénétrèrent en Bulgarie, s’emparèrent de la forteresse de Pleven puis ayant héroïquement forcé le col de Chipka avec l’aide de volontaires bulgares, s’avancèrent vers Adrinople (l’actuelle Edirné) et Constantinople. Alexandre II, victorieux, dicta la paix de San Stefano (3 mars 1878) qui ressuscita une grande Bulgarie couvrant tous les territoires peuplés de Bulgares.